Le lien entre le poids et la santé : qu’en penser?

Nutritionniste

Se baser sur le poids santé, est-ce la solution

Nous avons longtemps hésité à aborder le sujet d’aujourd’hui. En effet, le lien entre le poids corporel et la santé est un sujet épineux, souvent teinté de grossophobie, même chez plusieurs professionnels de la santé (qui peuvent, eux aussi, comme tout humain, avoir des propos biaisés). Nous croyons cependant à la pertinence de se pencher sur la question et de séparer le vrai du faux, en se basant sur les données les plus objectives possibles. Nous commencerons la série de deux articles sur ce sujet en discutant du concept de poids santé.

Partie 1 – Qu’est-ce que le poids santé ?

On entend souvent parler de l’importance de maintenir un poids santé, qui est pour plusieurs personnes automatiquement associé à la minceur.

Pour la majorité, ces termes sont implicitement liés à l’indice de masse corporelle (IMC) : un calcul rapide consistant à faire le rapport du poids (en kg) sur la taille d’une personne (en m) au carré. Cette formule permet de classer le poids en catégories :

  • Poids insuffisant,
  • Poids normal,
  • Embonpoint (ou excès de poids),
  • Obésité classe 1,
  • Obésité classe 2
  • Obésité classe 3.


La catégorie présentant le risque le plus bas de développer des problèmes de santé serait la catégorie du poids normal.

Malgré le fait que l’IMC a fait l’objet de grosses remises en question dans les dernières années, plusieurs professionnels de la santé ont utilisé pendant longtemps l’IMC comme référence, et ce, sans même s’inquiéter sur sa provenance.

L’historique de l’IMC et son impact sur le poids santé

L’IMC (initialement appelé le Quetelet Index) a été créé dans les années 1830 par un astronome et statisticien nommé Adolphe Quetelet, qui cherchait à déterminer les caractéristiques de l’homme moyen et à montrer la distribution de ces caractéristiques dans la population qu’il étudiait : les jeunes hommes adultes européens.

L’IMC a donc été mis sur pied uniquement à des fins statistiques pour une population donnée et non à des fins de détermination d’un poids santé pour chaque individu. Au départ, même une fois popularisée, cette formule a d’ailleurs été jugée inadéquate pour une évaluation individuelle. C’est par suite qu’a été modifiées non seulement sa classification (il fallait maintenant avoir un poids plus bas pour être dans la catégorie poids normal!), mais aussi sa fonction.

Les limites de l’IMC

Malgré sa popularité, l’IMC a plusieurs limites. Il fait abstraction de plusieurs données importantes dans l’analyse du risque de développer des maladies :

– Le genre de la personne

La même formule est utilisée pour tous alors que la composition corporelle et la génétique (entre autres) sont différentes.

– L’âge

Le corps change en vieillissant, mais pas les catégories de l’IMC.

– L’ethnicité

La génétique et l’ethnicité influencent le poids, la taille, la composition corporelle et la susceptibilité à certains problèmes de santé. Ils devraient être pris en compte.

– La composition corporelle

L’IMC ne fait pas la différence entre la quantité de tissu adipeux et celle de tissu musculaire. Donc, une personne présentant un faible pourcentage de gras corporel pourrait en théorie se retrouver dans la même catégorie qu’une personne étant moins musclée, mais avec un pourcentage de gras élevé.

– L’emplacement du gras corporel

Le tissu adipeux situé au niveau abdominal (surtout celui autour des organes internes) serait associé à un risque plus élevé de souffrir de maladies que celui situé au niveau du bas du corps (hanches, fesses, cuisses). L’IMC ne donne cependant pas cette information.

Ces limites font de l’IMC un outil imprécis pour prédire le risque de souffrir de maladies. Par contre, il a été beaucoup utilisé dans les études scientifiques pour classifier le poids; c’est pour cela que nous devrons donc continuer de parler des catégories de l’IMC pour rapporter les résultats dans cet article.

Ce que disent les recherches sur l’IMC

Selon plusieurs études scientifiques, ce ne serait pas nécessairement la catégorie d’IMC du poids normal qui serait associé au risque le plus bas de mortalité, ni même la seule catégorie qui présenterait un risque bas. En effet, avoir un IMC dans la catégorie embonpoint serait (tout dépendant de l’étude) soit associé au risque de mortalité le plus bas de toutes les catégories, soit associé à un risque de mortalité relativement bas.

Une étude se questionnant à l’effet que l’IMC permettrait de déterminer la santé cardiométabolique (en se basant sur le bilan sanguin de 40 420 participants), a démontré que 70 % des personnes dans la catégorie poids normal; presque 50 % dans la catégorie embonpoint; 29 % dans la catégorie obésité classe 1; et 16 % dans les catégories obésité classe 2 et 3, étaient en bonne santé cardiométabolique !

Certes, la quantité de personnes ayant des problèmes métaboliques augmente avec l’IMC, alors que, dans chaque catégorie, il existe des chances non négligeables de se tromper si on utilise uniquement cet indicateur.

Il existe d’autres indicateurs pour le poids et la santé

Cela veut dire encore une fois que l’IMC n’est pas un prédicteur adéquat de la santé, mais aussi que le lien entre poids et santé est plus complexe qu’il paraît. Peu importe le degré d’influence du chiffre sur la balance, des indicateurs plus fiables existent pour établir une cohérence individuelle entre le poids et la santé de chacun, comme le bilan sanguin.

Nous nous pencherons dans le prochain article sur les impacts de l’approche centrée sur le poids ainsi que sur les limites de la recherche qui semble prouver que le poids influence la santé.

Références :
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016.17

Maude Martinez, Nutritionniste, Dt.P

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